À Whapmagoostui, la communauté crie la plus septentrionale du Québec, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Les chasseurs et trappeurs peuvent passer des semaines dans la forêt, le territoire est vaste, les hivers sont longs et l'aide, quand on en a le plus besoin, se trouve parfois à plus de 200 kilomètres de distance.
En , en plus de la neige et des températures oscillant autour de -32 °C, Whapmagoostui a reçu une nouvelle technologie prometteuse qui pourrait transformer l'accès aux conseils médicaux essentiels. Cette application pour tablette électronique a été développée à l'origine pour l'espace : un environnement beaucoup plus éloigné et aride que Whapmagoostui.
L'équipe à l'origine de la simulation ADAMS à Whapmagoostui. De gauche à droite : Annie Beaudette (Croix-Rouge canadienne), François Prévost (Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James [CCSSSBJ]), Ayham Alomari (Croix-Rouge canadienne), Kaviraj Gosal (CCSSSBJ), Frédéric Lemaire (PARATUS Medical), Leanne Olson (Croix-Rouge canadienne), Jason Coonishish (CCSSSBJ) et Evelyne Elliott Tousignant (PARATUS Medical). (Source : ASC.)
L'Agence spatiale canadienne (ASC), en collaboration avec le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James, l'Association des trappeurs cris et la Croix-Rouge canadienne, y a envoyé une technologie appelée ADAMS. Développé par PARATUS Medical (anciennement MD Applications et plus tard ResusMind), ADAMS est une application basée sur l'intelligence artificielle destinée à assister les astronautes en cas d'urgence médicale dans l'espace lointain.
L'application ADAMS ne s'est pas faite du jour au lendemain. En
L'équipe d'EZResus, dont le PDG et cofondateur, le Dr Frédéric Lemaire (avec son stéthoscope), et le directeur de l'exploitation et cofondateur, Jean-François Couture (à droite du Dr Lemaire). (Source : ASC.)
L'application ADAMS est une avancée du fait de sa double utilité. Conçue à l'origine pour guider les astronautes à travers diverses difficultés (p. ex. isolement, ressources limitées, délais de communication, impossibilité d'évacuer en mission dans l'espace lointain), elle permet, ici sur Terre, aux communautés isolées de surmonter des obstacles semblables. Dans les deux cas, l'autonomie en matière de soins de santé est plus qu'un luxe : c'est une nécessité.
Test de l'application ADAMS avec la trousse Bush à Whapmagoostui. (Source : ASC.)
La communauté crie de Whapmagoostui peut en témoigner. Il y a plus de 40 ans, après qu'un garçon a parcouru seul 400 kilomètres pour aller chercher de l'aide pour son père malade, une promesse a été faite : « Plus jamais un enfant ne marchera aussi loin pour aller chercher de l'aide ». À partir de ce moment, le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James a créé le programme Bush Kit, où des trousses de premiers soins et des manuels de secourisme sont placés dans 26 camps éloignés, et qui propose une formation en secourisme aux membres de la communauté.
À Whapmagoostui, technologie spatiale (ADAMS) et savoir traditionnel (Bush Kit) ont été conjugués… puis les essais sur le terrain ont commencé.
Les simulations suivaient différents scénarios, comme aider une infirmière à suivre des procédures d'urgence complexes avec lesquelles elle n'est pas familière, ou guider un chasseur afin qu'il puisse poser lui-même un garrot pendant une panne de communication. Ces simulations n'ont pas été réalisées en laboratoire, mais sur le terrain, de véritables tests de résistance au stress.
Des fournitures médicales ont été fournies à 26 camps éloignés dans le cadre du programme Bush Kit. Ce programme destiné aux habitants des terres cries vise à répondre à leurs besoins en santé et à assurer leur bien-être en pleine nature. (Source : ASC.)
Les simulations effectuées à Whapmagoostui ont permis d'obtenir des informations précieuses grâce aux détenteurs du savoir cri, à la médecine moderne et aux ingénieurs du domaine spatial. Les membres de la communauté ont souligné l'importance de la clarté culturelle, de la simplicité sous pression et de l'adaptabilité. Comme le dit PARATUS Medical : « Vous voulez des idées sur la façon de sauver des vies dans l'espace? Demandez à quelqu'un qui vit dans un endroit où les écoles ferment uniquement quand la température est inférieure à -55 °C. »
Dans l'ensemble, l'expérience a permis de valider l'application ADAMS pour des situations réelles, mais elle a également fait naitre de grands rêves. Et si cette solution pouvait être adaptée pour répondre non seulement aux besoins des astronautes, mais aussi aux situations de crise humanitaire dans le monde entier?
Les leçons tirées à Whapmagoostui sont claires. La technologie doit être au service des personnes qui l'utilisent, qu'elles soient en orbite autour de la Terre ou qu'elles vivent là où la connectivité est encore difficile. Et parfois, le meilleur endroit pour tester les technologies spatiales liées à la santé, c'est ici, sur la terre ferme.