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SIKU : où savoir traditionnel et données satellitaires sont associés

Depuis des générations, les communautés autochtones du Nord se fondent sur des connaissances transmises dans des récits, par des enseignements et par des expériences vécues pour se déplacer sur le territoire arctique et s'occuper de leurs terres. Ce sont les connaissances traditionnelles et la cartographie mentale des itinéraires sûrs, des territoires de chasse et des changements saisonniers, ainsi que des éléments physiques comme les inukshuks (monuments de pierres servant de repères), qui permettent de donner des conseils d'une génération à l'autre.

Les Ainés et les chasseurs ont une fine connaissance de l'état de la glace de mer, des chemins et du comportement des animaux sauvages. Ils distinguent plus de 30 types de glace de mer, comme sikuliaq (glace nouvelle) et siku (glace de mer), ce qui leur est utile pour évaluer la stabilité de la glace. Ils savent très bien interpréter la forme des congères, les types de vent, les courants, la migration des animaux et les repères célestes, et peuvent aussi s'orienter en cas de voile blanc ou de nuit noire.

Cartographie mentale historique d'un Inuit de repères dans l'Arctique et image satellitaire du même endroit. En , l'Inuk Wetalltok a dessiné de mémoire une carte remarquablement précise de l'archipel de Belcher dans la baie d'Hudson (à gauche). Selon le chercheur Robert Flaherty, Wetalltok l'a dessinée au crayon à l'endos d'une lithographie et expliqué les subtilités de cet archipel d'environ 1500 iles. À titre de comparaison, une image en couleurs naturelles du satellite Sentinel-2 de l'archipel du (à droite). (Sources : American Geographical Society Library, Agence spatiale canadienne.)

Associer savoir traditionnel et données satellitaires

L'Arctique se réchauffe actuellement près de quatre fois plus vite que le reste du monde. Par conséquent, la glace de mer se transforme à un rythme inédit. Cette situation rend les déplacements plus dangereux et nuit fortement à la faune et à la flore ainsi qu'aux modes de vie traditionnels. Ces changements rapides compliquent la transmission des connaissances, traditionnellement fondées sur une évolution stable de la glace, des saisons et du comportement des animaux.

Pour s'adapter à ces nouvelles réalités, l'Arctic Eider Society et les communautés de Sanikiluaq, Inukjuak, Umiujaq, Kuujjuaraapik et Chisasibi, en consultation avec des organismes autochtones régionaux de tout le Nord, ont créé SIKU (en anglais seulement), un site Web et une application mobile conçue par et pour les communautés et les pêcheurs autochtones.

SIKU associe savoir traditionnel et technologie moderne en permettant aux utilisateurs de communiquer en temps quasi réel leurs observations de la glace, de la faune et de la météo, tout en disposant d'images satellitaires et d'autres données. Cette combinaison permet aux populations d'être en sécurité sur la terre et la glace, de maintenir des liens entre les régions et de transmettre des connaissances les plus récentes possibles.

Le mot siku signifie glace de mer en inuktitut. SIKU est une application mobile et un site Web gratuits. (Source : SIKU)

Une idée qui a fait du chemin

SIKU est né de l'idée de l'Inuk Peter Kattuk. Quand il se trouvait au bord de la banquise, il remarquait des changements rapides dans le comportement des animaux, la biodiversité et l'état des glaces. Il a souhaité que sa communauté dispose d'outils lui permettant de communiquer ce qu'elle observait sur la terre et la glace. Grâce à ces informations, les populations nordiques pourraient se déplacer en toute sécurité et poursuivre leurs activités traditionnelles, comme la chasse et la pêche.

À partir de cette idée, l'application mobile et le site Web SIKU ont été créés. Un grand nombre des fonctions sont accessibles hors ligne et les informations sont synchronisées automatiquement dès qu'une connexion est établie. Pour être utile au plus grand nombre possible d'utilisateurs dans le Nord, SIKU est offert en anglais, en français, en inuktitut et en groenlandais. Par ailleurs, elle comprend les termes liés à l'environnement dans de nombreuses langues et dialectes autochtones.

Peter Kattuk à l'affût des proies au bord de la banquise près de Sanikiluaq. (Source : SIKU.)

Soutien aux solutions communautaires

L'Agence spatiale canadienne (ASC) a soutenu le développement de SIKU au moyen de son initiative de financement utiliTerre. Le financement a permis à l'Arctic Eider Society d'intégrer de nouveaux calques cartographiques qui affichent l'état des glaces de mer en temps quasi réel à partir de données satellitaires. Ces calques sont complétés par les observations au sol dans les zones concernées.

SIKU utilise des données de la mission de la Constellation RADARSAT (MCR) du Canada, trois satellites radar à synthèse d'ouverture qui peuvent capter des images détaillées de la glace de mer même par temps nuageux ou dans l'obscurité (comme pendant la longue nuit polaire).

De 500 à 1500 images de la MCR sont traitées chaque jour pour les utilisateurs du Canada, de l'Alaska et du Groenland.

L'Ainé Jimmy Iqaluk et le chasseur Johnny Kudluarok lisent des publications sur le site Web de SIKU. (Source : SIKU.)

Détection des zones dangereuses d'eau libre

La détection des polynies est l'une des nouvelles fonctionnalités de SIKU. Une polynie est une étendue d'eau libre plus ou moins grande entourée de glace de mer. C'est un habitat important pour la faune et elle a une grande valeur culturelle pour les communautés inuites. Mais les polynies posent un risque pour ceux qui se déplacent sur la glace.

Le saviez-vous?

La plus grande polynie de l'Arctique canadien est appelée Pikialasorsuaq (polynie des eaux du Nord). Elle se trouve dans le nord de la baie de Baffin. Pikialasorsuaq est vitale pour de nombreuses espèces migratoires et une faune diversifiée, comme les narvals, les bélugas, les ombles chevaliers, les mergules nains (Alle alle), les eiders, les goélands, les mouettes tridactyles, les phoques, les phoques barbus, les phoques à capuchon et d'autres mammifères dont les ours polaires se nourrissent.

Grâce au soutien de l'initiative utiliTerre de l'ASC et à la collaboration de chercheurs de l'Université de Waterloo, l'Arctic Eider Society a utilisé l'apprentissage automatique pour détecter les polynies récurrentes. Le modèle actuel permet de localiser environ 80 % des polynies cibles et est en cours d'amélioration pour que les informations soient régulièrement incluses dans la carte des glaces de SIKU. Cette innovation contribue à améliorer la sécurité des déplacements sur la glace de mer tout en soutenant la recherche sur le climat et la surveillance par les Autochtones.

Un chasseur s'approche d'une polynie avec un harpon pour tester la glace près de Sanikiluaq. Les polynies se forment sous l'effet des forts courants de marée et du vent. Certaines sont permanentes, tandis que d'autres s'ouvrent et se ferment au fil des saisons. Les changements climatiques perturbent les polynies, qui subissent des changements soudains et imprévus. (Source : SIKU.)

Donner aux communautés des moyens de poursuivre dans cette voie

SIKU fait une réelle différence dans les communautés nordiques : plus de 34 000 utilisateurs communiquent leurs connaissances du terrain ainsi que des données satellitaires, des bulletins météorologiques et des photos pour rester en sécurité sur la glace et maintenir le contact malgré les grandes distances. L'application crée un lieu où les gens apprennent les uns des autres et entretiennent des liens étroits avec la communauté.

À mesure que SIKU intègre de nouvelles fonctionnalités, comme des outils météorologiques améliorés, d'autres calques d'imagerie satellitaire et la bathymétrie, les populations pourront se déplacer sans crainte dans l'Arctique en pleine mutation.

Des chasseurs près de Sanikiluaq participant à des programmes de recherche communautaires. (Source : SIKU.)

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